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LES FACTEURS DE L'ENGAGEMENT

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L'âge, un critère limité
Des prédispositions sociales
Un événement déclencheur
Age

L'âge, un critère limité

L'âge semble généralement le critère le plus évident pour caractériser différentes catégories de population et différents temps d’engagement. Dans La politique au fil de l’âge, Anne Muxel, spécialiste de l’engagement et de ses causes, le caractérise comme « une variable clé de la compréhension des phénomènes politiques ». Pourtant, les a priori qui y sont associés ne sont pas toujours vérifiés. Jeune révolté, senior réactionnaire, les raccourcis se font vite, sans forcément se vérifier.

 

Si les parcours de Martine, Hugo et Lou semblent correspondre à ce schéma habituel, considérer que seul l’âge détermine l’engagement serait une erreur. « L’âge au seul sens du vieillissement biologique n’a guère d’impact », explique Anne Muxel. La spécialiste préfère temporiser ce critère en dissociant trois variables :

- l’âge-période, qui définit la « mise en situation historique » de la personne, autrement dit l’influence de l’époque à laquelle elle vit.

- l’âge-génération en tant que critère d’appartenance à une génération et à ses caractéristiques.

- l’âge-biographique, lié à plusieurs « moments de socialisation spécifiques » qui fondent un parcours de vie.

 

L’âge d’une personne n’a ainsi de sens qu’en le remettant en contexte avec l’expérience vécue par les personnes selon une époque.

 

Peu importe les âges, le nombre d'adhérents à un parti politique est en diminution croissante depuis les années 1980. Il se situerait aujourd'hui autour de 450 000 adhérents, soit 1% de la population.

 

Hugo et Lou ne sont pas des cas représentatifs de leur génération. Une récente étude de l'Afev, publiée en février 2014, indique que 7% des jeunes interrogés se sont investis dans un parti. Surtout, pour la tranche 18-24 ans, le sujet de la politique n'est pas majoritairement considéré comme important. Au total, 22% de cette classe d'âge le juge même "pas important du tout".

L'une des explications de ce désintérêt marqué peut se rattacher à la notion d'âge biographique. Dans La politique au fil de l'âge, Achim Goarres rappelle que «la socialisation politique dans le temps de la jeunesse conditionne l’entrée en politique». La période de vie de 15 à 30 ans est une période de construction sociale et politique. Les jeunes se trouvent, à ce moment de leur vie, «beaucoup plus ouverts aux influences politiques et socioéconomiques» que les seniors. Le spécialiste souligne ainsi que l'implication politique durant la jeunesse «laisse une empreinte durable en façonnant les premiers choix commes les orientations idéologiques».

 

L'influence du cadre de vie se trouve être, là encore, un facteur déterminant. Ces orientations et les convictions qu'elles développent ou renforcent seront liées, par exemple, à «la capacité des partis à attirer les primo-votants ou encore le niveau de confiance des citoyens dans leurs institutions politiques». Un enjeu de taille, lorsqu'un jeune sur trois déclare ne se reconnaître dans aucune formation politique.

Prédispositions sociales

Des prédispositions sociales

  • L'influence familiale

 

Martine, Hugo et Lou partagent des traits communs dans leurs origines familiales. Leur entourage, sans être nécessairement politisé dans une optique politicienne, leur a permis de découvrir des questions liées à la société, à l'engagement politique et au positionnement électoral. Ces influences subsistent encore en eux bien des années plus tard.

 

  • L'acquisition et le développement de compétences

 

Dans La politique au fil de l'âge, le spécialiste de l'engagement des seniors Achim Goerres rappelle que les facteurs liés à à l’engagement sont surtout organisationnels et intellectuels. Sur le plan personnel, le choix de s’engager est principalement lié au degré de motivation dans la défense de sa cause. Or, pour que cette motivation existe, il est nécessaire d’être en mesure de mobiliser les « ressources nécessaires à un engagement politique », c’est-à- dire être en mesure de comprendre le fonctionnement politique, ou encore démontrer sa capacité à s’organiser.

 

Ces facteurs expliquent en parti le fait que beaucoup de militants soient issus de milieux sociaux offrant un accès à l’éducation et à la culture. Un jeune militant comme Lou a appris, au fil de son parcours, à mobiliser les connaissances qu’il a acquises et à assurer ainsi son aisance oratoire et politique.

 

  • Les conditions de vie

 

Pour autant, certains militants ne sont pas spécialement issus de milieux favorisés, ou n’affichent pas de diplômes élevés à leur actif. C’est le cas de Martine, qui n’a exercé aucune activité professionnelle durant la majeure partie de sa vie et possède peu de diplômes. Le milieu duquel est originaire Martine devient alors moins important que les facteurs extérieurs auxquels elle est confrontée. Cette Vendéenne a effectivement attendu d’être installée en région parisienne pour participer pleinement à la vie politique. On retrouve là les « éléments de contexte » qu’Achime Goerres évoque. « Le fait de vivre dans une ville plutôt que dans un village, ou encore l’opportunité d’avoir été sollicité par une connaissance ou par son entourage pour participer à une mobilisation, sont déterminants », précise le chercheur.

 

Une étude publiée par le CerPHI fin 2012 confirmait cette analyse, en mettant en lumière la présence plus importante de seniors prêts à devenir bénévoles dans les grandes agglomérations, et plus particulièrement dans la capitale.

Evenement déclencheur

Un événement déclencheur

Les profils d'Hugo, Lou et Martine ont choisi l'engagement politique. Engagés chacun dans un parti différent, et pour des motivations différentes, ils partagent néanmoins plusieurs points communs. Dont celui d'être entré en politique pour une seule et même personne : Nicolas Sarkozy.

 

Que ce soit par admiration, pour Martine, ou par rejet, comme Lou et Hugo, leur premier pas politique a été déclenché par cette personnalité politique. L'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République apparaît comme un moment charnière de l'engagement politique de cette dernière décennie. En liant une date de la politique française à ses répercussions sur le ressenti individuel, il devient un élément de socialisation politique. Cet événement se situe au croisement de l'âge-période et de l'âge-génération, pusique celui-ci «rappelle une origine et suppose une empreinte durable».

 

L'âge-période a un rôle important en politique. Anne Muxel souligne que «les cultures politiques se sont quelques peu affadies» dans nos démocraties, laissant place à des « comportements plus individualisés ». Le jugement d'un individu est de moins en moins lié des directives ou doctrines édictées par des organes institutionnels traditionnels tel que le parti politique. L'individu «indépendant et solitaire» a alors un comportement «plus individualisé, plus expressif, mais aussi plus imprévisible». Le rapport au politique est marqué par l'idée d'un citoyen «plus autonome et plus libre», autant que «plus défiant et plus critique».

 

Cette évolution des repères engendre des identités politiques plus floues. Et par là, « sans doute davantage de mobilité et d’instabilité dans les choix comme dans les comportements ». Le parcours d'Hugo, militant MJS passé au PS, s'inscrit probablement dans ce schéma. Ses convictions, héritées de sa famille et de son milieu social, se sont confrontées à un événement politique et à l'imaginaire politique d'un temps donné : le Parti socialiste comme parti principal d'opposition. En découvrant l'univers militant, son regard sur l'organisation politique a évolué. Pour Anne Muxel, il s'agit là d'une influence primordiale. «Le fait d’évoluer dans un temps historique impulsant d’autres usages et d’autres mentalités agit plus que celui de vieillir.»

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